Au travers du prisme culturel, la traduction n’est pas la simple relation d’équivalence entre une langue source et une langue cible. À travers l’idée de références culturelles, les spécialistes sont même tentés de parler d’un véritable travail de réécriture. Traduire, c’est alors permettre la rencontre entre deux cultures. Mais quelles sont les références culturelles et comment les « traduire » ? Quelles stratégies le traducteur doit-il mettre en place ? Est-il possible de « rendre compte » de ces références dans une autre langue, dans une autre culture ? Comment garantir, en effet, la fidélité d’une traduction tout en respectant ses références culturelles propres ?
La traduction peut être définie comme un « processus de la communication interculturelle et interlinguistique partant d’une analyse cohérente du texte de départ et ayant pour objectif de créer un texte secondaire susceptible de remplacer le texte source dans un nouveau milieu linguistique et culturel » (Tsaturova 2008 : 75).
La dimension culturelle de la traduction fait plus volontiers penser aux traductions d’œuvres littéraires utilisant les procédés de la traduction en littérature. Pourtant, les mêmes problématiques se retrouvent dans la traduction technique qui est loin d’être un simple instrument. La traduction n’est pas seulement une opération linguistique. Les paramètres culturels jouent un grand rôle dans la traduction technique. Il s’agit de traduire de façon que l’on ne « sente » pas la traduction. Véritable défi, la traduction « doit faire la même impression sur le lecteur d’arrivée que sur le lecteur d’origine » (Antoine Berman, La Traduction, 1999)
Les termes techniques ne peuvent être reproduits terme à terme dans la langue cible. Le traducteur technique ne se contente pas de trouver le terme équivalent. La traduction nécessite une transposition culturelle du texte. « L’interprétation est toujours influencée par la culture » affirme Natacha Dalügge-Momme dans Aspects culturels de la traduction technique. De quoi parle-t-on ? Que recoupe l’idée de « références culturelles » au sein d’un texte technique ?
Ces références influencent notre façon de penser, et agissent comme une grille nous permettant de lire le monde qui nous entoure. Prenons un marteau, Natacha Dalügge-Momme nous explique qu’ « un Allemand pensera à un marteau de mécanicien, un Américain à un marteau à panne fendue et un Français probablement à un marteau de menuisier. Et, selon le texte, la traduction de ce terme jouera un rôle ou non, car seul le marteau américain sera en mesure de retirer des clous ! ». Les dénominations spécifiques révèlent ainsi des sens différents dans la langue cible. Le traducteur technique prend ainsi en compte le contexte dans lequel les termes sont employés et opère un choix, également en fonction du client.
L’exemple des métaux est très parlant : « Il est d’usage, dans les dictionnaires, de traduire les termes « acier au carbone » par « Kohlenstoffstahl » ou « Kohlenstahl », ce qui n’est que partiellement exact voire inexact. Il faudrait y préciser que le « Kohlenstoffstahl » peut aussi bien désigner le « Baustahl » (acier de construction), le « Werkzeugstahl » (acier à outil), voire l’« Edelstahl » (acier inoxydable avec une teneur en carbone très réduite). Dans ces cas, se référer aux normes ne sera d’aucune utilité, car il n’existe pas de correspondance terminologique totale entre tous les pays et langues respectives, étant donné les différences de tradition de la fonderie d’acier. Plutôt que de se fier aux normes, il est indispensable pour la bonne traduction de respecter la catégorisation du terme et de recourir aux spécialistes. »
Certaines dénominations de réalités sont, quant à elles, inexistantes dans la langue cible. Le pays d’arrivé ne les connaît simplement pas. Dans le domaine de la traduction technique, les traducteurs connaissent bien l’exemple classique du mot allemand « Autobahn » qui est souvent traduit par « superhighway » en anglais américain auquel on ajoute l’adjectif « German ». De fait, ce problème se rencontre plus souvent qu’on ne pense, surtout dans le domaine de la construction qui, en Allemagne, est régi par des normes et des lois différentes de celles de la France. Le nom d’une marque sert ainsi souvent à qualifier un produit. Seuls les spécialistes peuvent connaître ces spécificités culturelles et opérer le bon choix de traduction en fonction du texte et du client : faut-il parler de « plaques Fermacell » ou user de la périphrase « plaques de fibre de cellulose » ? Est-il pertinent de parler d’« opinel » ou suffit-il d’indiquer « couteau » ?
Une autre difficulté de la traduction technique réside dans les termes en rapport avec les normes et les mesures. Les normes sont différentes selon les pays et il incombe au traducteur d’être vigilant pour fournir une traduction adéquate. Les unités de mesures sont propres à chaque pays, à chaque langue et la conversion demande au traducteur technique un travail de précision ! En octobre, nous publions un article sur l’importance d’avoir recours à un traducteur spécialisé pour adapter les unités de mesure internationales des documents techniques.
S’il est un domaine dans lequel le traducteur technique doit déployer tout son talent, c’est également celui de la traduction touristique. Les références culturelles y foisonnent et les termes uniques sont monnaies courantes. Les textes touristiques font références à des spécificités culturelles qu’il s’agit de traduire de façon non littérale. Comment, par exemple, traduire les produits locaux ? Dans ce domaine, il faut s’intéresser plus que tout aux lecteurs cibles, soucieux de découvrir un nouveau pays, pour, justement, faire la connaissance de cultures différentes.
De plus, il y est tout autant question de technicité que de style. Le traducteur doit se soucier autant de la forme que du contenu, le texte touristique étant à la fois informatif, expressif (on peut entendre la voix de son auteur, ses émotions) et opératif. Les phrases peuvent également faire appel à un registre plus littéraire que dans les autres domaines techniques. Un ton familier y est souvent adopté, exclamatif et qui s’intéresse aux émotions du lecteur. À la fois pragmatique et poétique, la traduction touristique est au cœur des enjeux de traduction des particularités culturelles avec ses termes culinaires, ses toponymes ou encore l’emploi de noms propres.
Le traducteur se heurte à de nombreuses différences entre la langue source et la langue cible. Brynja Svane constate que ces différences sont liées à « la grammaire, au style, à la ponctuation, à la sémantique, etc. Mais c’est souvent la dimension culturelle du texte qui pose les plus grands problèmes pour le traducteur. ». Pour satisfaire le lecteur, le traducteur ne peut donc se contenter de traduire les mots, mais traduit également la pensée sous-jacente et se réfère donc constamment au contexte. Il ne traduit pas simplement les mots mais aussi une culture sources et ses références.
Pour qu’un texte fonctionne dans une nouvelle culture (la culture cible), le traducteur doit rendre le sens, parfois le reformuler voire l’interpréter. Il peut utiliser une périphrase ou rendre explicite un terme culturel quand le texte original ne se laisse pas traduire par une équivalence simple ayant la même connotation. Il arrive que la langue cible n’ait pas de référence commune pour un fait culturel donné (comme le mot « Hexagone » pour signifier la France). Il s’agit, pour le traducteur, de donner le message du texte, sans être littéral. Le traducteur doit alors posséder une solide culture.
Il est impératif, pour le traducteur, de connaître le type de texte, le public cible et l’usage du document. Le traducteur technique, après analyse, emploie plusieurs types de stratégie ou différents procédés de traduction : le mot-à-mot ou la traduction littérale, le transfert, l’adaptation, la conversion, l’équivalence. Mais encore l’omission volontaire ou, à l’inverse, l’addition. Un bon traducteur peut en effet modifier le texte pour rendre l’implicite du texte source explicite dans le texte cible. Quoiqu’il en soit, le cheminement d’une traduction suit un processus stricte dans lequel s’insèrent systématiquement une révision et une réalisée si possible par un expert qui ne regarde plus que le texte cible.
Un traducteur compétent possède une parfaite maîtrise de la langue source et une excellente connaissance du domaine technique qu’il analyse (médical, juridique, informatique, financier, touristique…). Les traducteurs experts sont les plus plébiscités. Enfin, le traducteur technique possède également une parfaite maîtrise de la langue cible et de son environnement culturel. Une justesse d’interprétation que seul possède les natifs…
Une bonne traduction technique allie précision et fidélité des textes source et capacité à interpréter des éléments culturels pour assurer leur compréhension par les cibles d’un autre pays, d’une autre culture. Entre la langue source et la langue cible, le traducteur ne traduit pas simplement des mots. Les références culturelles sont analysées et retranscrites avec rigueur. Ajoutons qu’un anglais parlé en Angleterre sera différent, dans ses références culturelles, d’un anglais américain. > Lire l’article sur les divergences linguistiques
Le traducteur technique se met à la place du lecteur cible, tant dans les mots purement techniques, les unités de mesure, les toponymes que dans la transmission d’une culture. Comblant ainsi les lacunes du lecteur pour rendre le texte intelligible, il importe pour un traducteur technique de connaître les plus importantes différences culturelles de ses langues de travail. l’adaptation à la culture est ainsi inéluctable.
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